Différents types d'effets

Les études épidémiologiques, menées depuis les années 90, ont mis en évidence des relations statistiques entre des indicateurs d'exposition aux polluants atmosphérique (concentrations ambiantes en particules en suspension, en gaz…) et la survenue d'évènements sanitaires en excès dans la population (nombre de décès, de cas d'asthmes…).

Les études toxicologiques ont apporté des pistes explicatives à ces relations statistiques, en proposant des mécanismes d'actions propres aux polluants couramment rencontrés dans l'atmosphère. La concordance et la cohérence de ces études ont permis d'étayer la nature causale des effets des polluants atmosphériques sur la santé.

En moyenne, nous avons besoin de 12 000 litres d'air par jour pour vivre.

Les effets à court terme correspondent à des effets sanitaires qui surviennent de quelques minutes à quelques semaines après une exposition aux polluants. 
 

Plusieurs centaines de travaux, menés dans de nombreux pays, sur des populations et avec des méthodologies différentes, ont produit un ensemble de résultats convergents. Ils montrent que l'exposition aux polluants, notamment les particules en suspension et l'ozone, est associée à un impact à court terme sur la santé (notamment sur la mortalité et sur les hospitalisations). Ces résultats ont été confortés par ceux de grandes analyses multivilles comme, aux États-Unis, l'étude NMMAPS (National Morbidity, Mortality, and Air Pollution Study) et, en Europe, l'étude APHEA (Air Pollution and Health: A European Approach). 
 

En Île-de-France, la surveillance des effets aigus de la pollution urbaine sur la santé est assurée par les études ERPURS (Évaluation des risques de la pollution urbaine pour la santé), pilotées par l'ORS Île-de-France. Au niveau national, le Programme de Surveillance Air et Santé (PSAS), coordonné par l'InVS, réalise des travaux portant sur plusieurs villes de France métropolitaine. 

Études à court terme : l'exemple d'Erpurs

Le programme Erpurs a été mis en place en 1990, suite aux épisodes importants de pollution durant l'hiver 1989 en Ile-de-France. Le principe des études du programme est de mesurer les associations, à l'échelle de Paris et de la proche couronne, entre les variations journalières d'indicateurs de qualité de l'air (concentration en polluants dans l'air ambiant) et d'indicateurs de santé (nombre journalier de décès, d'hospitalisations, de consultation de médecins) : si la pollution agit à court terme sur la santé, alors, il devrait y avoir plus d'évènements sanitaires les jours où les niveaux de pollution sont élevés et les quelques jours suivants que les jours où les niveaux de pollution sont faibles. Ces estimations nécessitent de prendre en compte les facteurs qui sont liés à la fois à l'état de santé et aux concentrations en polluants : températures, tendances temporelles, notamment saisonnières (prise en compte des vacances scolaires, des épidémies de grippe…). 


Les études du programme, répétées à intervalles réguliers depuis près de 20 ans, constituent un système de surveillance des effets sanitaires de la pollution atmosphérique dans la région. 

Augmentation du risque relatif de mortalité lorsque les niveaux de polluants augmentent de 10 µg/m³, pour différentes causes de mortalité. Source : ORS Île-de-France

 

Le suivi à long terme de cohortes a permis de documenter de manière convaincante les effet de l'exposition chronique aux polluants, notamment l'effet des particules fines sur la mortalité totale et cardiovasculaire.  

Les résultats des premières études nord-américaines, publiées au début des années 1990, ont été confortés depuis par plusieurs travaux européens, dont le suivi à long terme de l'enquête PAARC en France.  

L'exposition aux polluants n'a donc pas seulement un effet à court terme sur la partie de la population la plus fragile ; elle a aussi un impact significatif sur l'espérance de vie. Les résultats des études à long terme montrent d'ailleurs que ces effets sont prépondérants par rapport aux effets aigus de la pollution. 

Études à long terme : les cohortes

Les effets sanitaires liés à une exposition chronique aux polluants atmosphériques sont le plus souvent étudiés dans des études de cohortes, qui se basent sur le suivi dans le temps de sujets qui sont exposés à différents niveaux de pollution. Ces études utilisent les contrastes spatiaux d'exposition (le plus souvent au lieu de résidence), qui sont estimés soit par des approximations (vivre ou non à proximité d'une route à fort trafic – figure a), soit plus justement, par des niveaux d'expositions mesurés (capteurs individuels ou par zones) ou modélisés (figure b).

On recherche l'émergence d'événements sanitaires (décès, admissions hospitalières, par exemple) au sein de ces cohortes. Si le facteur d'exposition étudié (ici la pollution atmosphérique) est « à risque », il devrait être trouvé d'autant plus d'événements sanitaires que le niveau d'exposition est élevé.

Ces études permettent de tenir compte de nombreux facteurs individuels (âge, sexe, tabagisme, niveau d'éducation, index de masse corporelle, etc.) et permettent de s'intéresser à tout un ensemble d'occurrences sanitaires. Ces études nécessitent un suivi relativement long, un nombre important de sujets engagés dans les cohortes étudiées. 

Contrastes spatiaux d'exposition (figures a et b).

Les études épidémiologiques montrent qu'il existe des effets de la pollution dès les concentrations les plus faibles, et qu'il ne semble pas exister de seuil protecteur en deçà duquel il n'est plus observé d'effet sanitaire (voir figure a).
 

En l'absence même de « pics », la pollution atmosphérique a des effets sur la santé. Ainsi, étant donné la relative rareté des évènements de pollution extrêmes dans la région, l'essentiel de l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique est dû aux jours de pollution « habituelle » (figure b). 
 

Figure a : Illustration de l'absence de seuil des effets sanitaires de la pollution atmosphérique : quel que soit le niveau d'exposition (10, 20, 40 µg/m³), on observe une augmentation de 0,6% des appels à SOS médecins pour symptômes respiratoires lorsque les concentrations ambiantes de PM2,5 augmentent d'1 µg/m³. Source : ORS Île-de-France

Figure b : Distribution des jours de l'année 2005 par classe de niveaux d'exposition en PM2,5 et impacts sanitaires associés : plus de la moitié de la surmortalité à court terme attribuable aux PM2,5 à Paris et en proche couronne est survenue les jours où les niveaux de pollution étaient compris entre 10 et 20 µg/m³ ; les jours de forte pollution (entre 30 et 40 µg/m³) sont responsables de moins de 10% des décès. Source : ORS Île-de-France

Au travers des études épidémiologiques, il a été démontré que les caractéristiques telles que l'âge, le sexe ou l'état de santé influencent la sensibilité à la pollution atmosphérique

Ainsi, certains groupes de population, tels que les enfants, les personnes âgées et les individus souffrant de pathologies chroniques, ont été identifiés comme plus concernés par les effets de la pollution atmosphérique. 

Si les causes de la fragilité de la personne âgée à la pollution atmosphérique restent encore mal connues, certains mécanismes commencent à être envisagés. En effet, les personnes âgées seraient plus sensibles à la pollution atmosphérique en raison de la diminution de leurs capacités antioxydantes locales et de la capacité d'adaptation de leur système de défense. Par ailleurs, les personnes âgées présentent souvent des pathologies préexistantes telles que des pathologies cardio-vasculaires ou respiratoires. 

Chez les enfants, la maturation pulmonaire n'est que partielle à la naissance, le stock d'alvéoles continuant à se développer jusqu'à l'âge de 8 ans.

Certaines études ont montré un lien entre exposition aux polluants et infarctus du myocarde par le biais d'une diminution de l'oxygénation périphérique, d'une augmentation de la viscosité sanguine et de modifications du rythme cardiaque. Ainsi les personnes présentant des insuffisances coronariennes et cardiaques sont plus sensibles à la pollution atmosphérique.

Les polluants atmosphériques (ozone, COV, particules, SO2, NO2) sont également des facteurs aggravants de l'asthme. Ils augmentent la réactivité bronchique et rendent les individus plus sensibles aux allergènes. Ainsi, les asthmatiques ont été identifiés comme plus sensibles à la pollution atmosphérique ; de même que les personnes présentant des insuffisances respiratoires, les bronchitiques chroniques, la pollution atmosphérique favorisant les décompensations (détresses respiratoires aiguës).

Les femmes enceintes constituent également une catégorie de population sensible vis-à-vis des risques encourus par le fœtus. En effet, des liens ont été établis entre exposition aux polluants atmosphériques et des altérations de la croissance fœtale, la prématurité et le faible poids de naissance.

Enfin, chez certaines personnes bien portantes, la moindre augmentation de concentration des polluants dans l'atmosphère provoque une toux, une irritation de la gorge ou des yeux, alors que d'autres ne présentent ces symptômes qu'à des niveaux bien plus élevés, ou pas du tout.

Aucun examen ne permet de diagnostiquer l'hypersensibilité. Seule l'apparition de symptômes évocateurs, notamment lors d'épisodes de pollution, permet de la suspecter. D'autres recherches doivent encore être menées afin de mieux caractériser les expositions de ces groupes de population et leurs réactions à la pollution atmosphérique. 

Un nombre important de travaux ont étudié, in vitro ou sur des populations animales (plus rarement humaines), la toxicologie des principaux polluants qui composent l'air ambiant. Ces études ont permis de proposer des mécanismes d'action, qui fournissent des explications physiologiques aux résultats des études épidémiologiques.

Même si beaucoup de ces mécanismes sont encore mal connus, ces études ont apporté des arguments essentiels à la plausibilité biologique des effets observés dans les études épidémiologiques, et permettent d'étayer la nature causale des relations entre exposition aux polluants et santé.

Mécanismes expliquant les effets sanitaires des particules fines [9]

La pollution issue du trafic routier pose des problèmes sanitaires spécifiques.   

D'une part, à proximité directe des voies de circulation, l'exposition est fortement majorée (renvoi aux dépassements Airparif). Le trafic est ainsi la principale source de variations intra-urbaines d'exposition dans la majorité des aires urbaines.

D'autre part, les émissions liées au trafic constituent un mélange de polluants spécifiques (particules diesel, benzène, métaux lourds), dont les niveaux décroissent pour certains rapidement (~300-500 m) en s'éloignant de l'axe routier (particules ultrafines, NOx). 

S'il reste encore aujourd'hui assez difficile de dissocier les effets de cette pollution particulière des effets de la pollution plus générale de l'atmosphère, un certain nombre de travaux ont permis de mettre en évidence un effet spécifique de la pollution émise par le trafic routier sur la genèse et la survenue de crises d'asthme chez l'enfant, et la mortalité et morbidité pour causes cardiovasculaires [10].

Une évaluation réalisée dans le cadre de l'étude Aphekom [11] portant sur 10 villes européennes et qui devrait prochainement être étendue à Paris, estime ainsi que le fait de résider à proximité (à moins de 150 mètres) d'un axe à grande circulation (comptant plus de 10 000 véhicules par jour) est responsable de 9 à 25% des nouveaux cas d'asthme chez les enfants, et de 10 à 35 % des cas de broncho-pneumopathies chroniques obstructive et de maladies coronariennes chez les adultes de plus de 65 ans (voir figure). 

Part de la population atteinte de maladie chronique dont l'origine est attribuable au fait de vivre à proximité d'une voie à fort trafic. Source : Aphekom 2011 

Bref historique : l'épisode de "smog" londonien de l'hiver 1952

La conscience actuelle des effets de la pollution atmosphérique urbaine sur la santé doit beaucoup à un épisode tragique survenu à Londres entre le 5 et le 9 décembre 1952.

Durant cinq jours, un nuage épais de fumées sulfureuses provenant des usines et des chauffages individuels au charbon a stagné sur le bassin londonien. Les concentrations de particules en suspension et de dioxyde de soufre (SO2) ont atteint des niveaux de plusieurs milliers de microgrammes par mètre cube (les concentrations actuelles sont plutôt de l'ordre de la dizaine de µg.m⁻ ³ à Paris et à Londres), entrainant un excès de mortalité exceptionnel : une analyse récente porte à 12 000 le nombre de décès en excès, observés jusqu'en février 1952.

Nombre de décès et concentrations en dioxyde de souffre lors de l'épisode de smog de l'hiver 1952 à Londres. Source : ML Bell, 2001 [1] 

 

Cette catastrophe sanitaire, d'une ampleur comparable à celle de la canicule de 2003 en France, qui a engendré une surmortalité de 15 000 personnes en France métropolitaine, a entrainé une prise de conscience de l'opinion et des pouvoirs publics. Elle a conduit à la création de législations spécifiques pour lutter contre la pollution atmosphérique :

  • Clean Air Act (1956) au Royaume-Uni,
  • Air Pollution Control Act (1955), puis Clean Air Act (1963, étendu en 1970) aux Etats-Unis,
  • Loi du 2 août 1961 en France, relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs. 

 

La pollution de l'air aujourd'hui

Ces législations ont permis de réduire considérablement les émissions des sources fixes, en relation avec l'usage de combustibles fossiles (industrie, chauffage résidentiel), et les concentrations de certains polluants, notamment de SO2.

Cependant la pollution de l'air n'a pas disparu. Elle a changé de nature avec le développement d'autres sources, notamment le trafic routier, qui a conduit à une augmentation des concentrations de dioxyde d'azote (NO2) et d'ozone (O3), ainsi qu'à une modification de la nature des particules en suspension. Néanmoins les effets sanitaires de ces expositions courantes sont plus difficiles à mettre en évidence, et ils ont été largement ignorés jusque dans les années 1990, où de nouvelles études épidémiologiques ont permis de montrer que la pollution urbaine actuelle avait toujours un impact substantiel sur la santé. 

Un impact sanitaire substantiel

Le message essentiel apporté par l'épidémiologie est que les niveaux de polluants actuellement observés sont associés à des risques pour la santé. Si l'intensité des effets observés peut paraître faible par rapport à d'autres facteurs de risque (comme le tabac par exemple), la taille de la population exposée est importante et donc le bénéfice associé à une réduction de l'exposition de la population aux polluants serait tout à fait substantiel en termes de santé publique. 

Comme le montrent par exemple les résultats récents de l'étude Aphekom, si les niveaux de particules fines PM2,5 étaient conformes aux objectifs de qualité de l'OMS de 10 µg/m³ en moyenne annuelle, les habitants de Paris et de la proche couronne gagneraient six mois d'espérance de vie (figure a).

Par ailleurs, cette estimation d'impact porte sur les décès anticipés, qui sont les conséquences les plus graves des expositions à la pollution atmosphérique. Néanmoins, la pollution atmosphérique est susceptible d'entrainer d'autres manifestations, de sévérité moindre, mais qui concernent une part plus importante de la population (figure b). 

Figure a : Gain d'espérance de vie pour les personnes de 30 ans et plus dans 25 villes européennes si les niveaux annuels moyens en PM2,5 étaient ramenés à la valeur guide OMS de 10 µg/m³. Source : Direction de la santé publique de Montréal 2003

Figure b : Pyramide des effets de la pollution atmosphérique : plus la gravité des effets diminue, plus le nombre de gens touchés augmente. Source : Direction de la santé publique de Montréal 2003 

Pollution de l’air et COVID-19


Au-delà de l’impact du confinement sur la baisse des émissions de polluants, d’un point de vue sanitaire, le lien entre le COVID-19 et la pollution de l’air a été mis en avant durant la pandémie de COVID-19 sous différents angles : 
-  l’impact sanitaire de la pollution de l’air est un facteur aggravant pour l’épidémie,
-  le confinement chez soi appelle à une vigilance sur la qualité de l’air à l’intérieur des logements, 
-  et les liens entre les niveaux de pollution atmosphérique et la propagation du  Covid-19.


Pour mieux comprendre ces enjeux, retrouvez : 
l’analyse des spécialistes sanitaires de l’Association pour la Prévention de la pollution,
    
Les évaluations d’Airparif (des impacts des mesures de confinement sur la pollution de l’air en Île-de-France compte tenu de la baisse des émissions de polluants et notamment des polluants du trafic et d’activités tertiaires et industrielles) permises par les mesures de confinement ont été documentées par Airparif et ses homologues dans les différentes régions françaises ainsi que par l’INERIS au niveau national.  

Voir Airparif Dossier #03 #04 - COVID-19 et qualité de l'air (pdf).